Comment le blocus de Gaza par Israël peut-il être légitime ? Des experts indépendants de l’ONU s’expriment au sujet du "Rapport Palmer"

[13 September 2011] GENEVE – Un groupe d’experts des Nations Unies, dans le cadre des commentaires exprimés au sujet du rapport du Groupe d’enquête sur l’incident de la flottille du 31 mai (Rapport Palmer) publié ce mois-ci, a critiqué la conclusion de celui-ci selon laquelle le blocus maritime par Israël de la Bande de Gaza est légitime.

« En se prononçant sur la légalité du blocus maritime, le Rapport Palmer ne reconnaît pas ce blocus comme faisant partie intégrante de la politique de fermeture d’Israël envers Gaza qui a un impact disproportionné sur les droits humains des civils » ont souligné les experts.

« Après quatre années de blocus israélien, 1,6 million d’hommes, de femmes et d’enfants palestiniens sont privés de leurs droits fondamentaux et sont sujets à des sanctions collectives constituant une violation flagrante des droits de l’homme et du droit humanitaire sur le plan international » ont-ils affirmé. « Le siège de Gaza par Israël coûte un prix en termes humains qui nuit de façon disproportionnée aux civils palestiniens ».

Pour les experts de l’ONU, « des mesures décisives doivent être adoptées pour défendre la dignité et le bien-être fondamental de la population civile de Gaza, dont plus de la moitié est constituée d’enfants. Le blocus de Gaza par Israël doit cesser immédiatement et la population de Gaza doit bénéficier d’une protection conformément au droit international ».

Dans le cadre de la législation sur les droits de l’homme et du droit international humanitaire, les Gazaouis, même en situation d’occupation, ont le droit à un niveau de vie adéquat et à une amélioration constante de leurs conditions de vie. Ce droit comprend l’accès à une alimentation abordable et suffisante et à des quantités suffisantes d’eau abordable, accessible et salubre ainsi qu’à des services et des installations sanitaires corrects. Ils ont également le droit au meilleur état de santé physique et mentale susceptible d’être atteint, mais depuis des années, ils ont connu un déclin de leur niveau de subsistance qui se situe en-dessous des seuils minimaux.

Alimentation

« Au moins deux tiers des ménages à Gaza vivent en situation d’insécurité alimentaire et il a été prouvé que la soi-disant « atténuation » du blocus n’a pas conduit à une amélioration » a observé Olivier De Schutter, Rapporteur Spécial sur le droit à l’alimentation. « Les gens sont obligés de se soumettre à des compromis inacceptables et doivent souvent choisir entre aliments ou médicaments ou eau pour leurs familles »

Près de 35% des terres arables de Gaza et 85% de ses zones de pêche sont totalement ou partiellement inaccessibles en raison des mesures militaires israéliennes. Le Rapporteur Spécial a lancé un appel à Israël « pour lever immédiatement les restrictions à l’accès à la terre et à la mer afin de permettre la reconstruction et l’épanouissement des communautés dépendant de la pêche et de l’agriculture pour leur subsistance, ce qui réduira la subordination envers les aides et permettra l’accroissement de la production locale d’aliments.»

Eau

De 90 à 95% des ressources en eau de Gaza sont polluées et ne conviennent pas pour la consommation humaine ; chaque jour, des quantités importantes d’eaux usées non traitées sont libérées dans l’environnement. Cette réalité constitue une menace sérieuse pour la santé et la dignité des personnes vivant à Gaza et des mesures immédiates sont requises pour assurer la pleine jouissance des droits à l’eau et aux installations sanitaires. Israël doit faciliter de manière prioritaire l’arrivée des matériaux nécessaires pour reconstruire les systèmes sanitaires et d’approvisionnement en eau à Gaza sinon cette catastrophe sur le plan de la santé publique continuera avec la même intensité » a indiqué le Rapporteur Spécial sur la situation des droits humains pour l’accès à l’eau potable et à l’assainissement, Catarina de Albuquerque.

« Des mesures urgentes doivent également être adoptées pour protéger la zone aquifère côtière, seule source d’eau douce à Gaza, et empêcher sa plus forte détérioration. La pollution de cette zone par les eaux usées non traitées, la surexploitation de l’eau et une salinité accrue sont telles qu’il faudra peut-être des siècles pour remédier aux dégâts causés à cette source d’eau essentielle » a ajouté Mme. de Albuquerque.

Santé

Le blocus a fortement mis en péril la capacité du système de santé de Gaza à fonctionner correctement en empêchant la modernisation de son infrastructure physique, en levant des obstacles à l’entrée d’équipement médical et à son entretien ainsi qu’à l’approvisionnement en médicaments et consommables vitaux.

«En raison des carences flagrantes quant à la disponibilité des services médicaux essentiels, les patients souffrant de graves problèmes médicaux doivent être envoyés vers des hôpitaux en dehors de Gaza pour y bénéficier de traitements spécialisés d’importance vitale » a indiqué le Rapporteur Spécial sur le droit de toute personne au meilleur état de santé physique et mentale, Arnand Grover. Malgré une légère augmentation du taux moyen de patients dont le transfert en dehors de Gaza a été approuvé pendant la deuxième moitié de 2010, un patient sur cinq ratait encore malgré tout son rendez-vous en milieu hospitalier parce que son permis avait été refusé ou retardé. « Il faut garantir pour ces patients l’accès aux infrastructures, aux biens et aux services dans le domaine de la santé » a souligné M. Grover qui a par ailleurs déclaré que l’obligation du Gouvernement d’Israël à respecter le droit à la santé signifie qu’il ne peut limiter ou refuser l’accès aux services de santé.

Pauvreté

Selon le Rapporteur Spécial sur l’extrême pauvreté et les droits humains, Magdalena Sepúlveda, le blocus israélien est la cause première de la pauvreté et du dénuement du peuple de Gaza. « Pour que les habitants de Gaza aient accès aux opportunités économiques nécessaires pour sortir de la pauvreté » a affirmé Mme. Sepúlveda, « tous les points d’entrée de Gaza doivent être ouverts pour faciliter la libre circulation des personnes, l’arrivée libre d’obstacles des investissements et des intrants industriels et agricoles ainsi que l’exportation des produits de Gaza ».”

International law

Israël, en tant qu’Etat Partie à de nombreuses conventions internationales sur les droits de l’homme continue à porter la responsabilité de la mise en œuvre des obligations en matière de droits de l’homme dans le territoire palestinien occupé. La Cour Internationale de Justice, les organes et les procédures spéciales du traité des droits de l’homme des Nations Unies ainsi que les différents Hauts Commissaires aux Droits de l’homme qui se sont succédé ont invariablement confirmé que la législation sur les droits de l’homme et le droit humanitaire international s’appliquent simultanément dans l’ensemble de la Cisjordanie et de la Bande de Gaza.

M. Richard Falk, Rapporteur Spécial sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés, a souligné que « Le Rapport Palmer avait pour but la réconciliation politique entre Israël et la Turquie. Il est malheureux que, dans le rapport, la politique l’emporte sur le droit ». Et de poursuivre : « le point le plus discutable du Rapport Palmer porte sur la séparation du blocus maritime de la fermeture générale de Gaza à un approvisionnement normal en produits humanitaires, comprenant les biens nécessaires pour les interventions médicales et l’assainissement. L’incident de la flottille traduisait un effort pour contourner cet aspect des politiques israéliennes et les organisateurs n’ont émis aucune objection à l’inspection menée à bien pour empêcher des armes d’enter à Gaza. »

Le blocus de Gaza continue de constituer une violation du droit international, ont conclu les experts tout en rappelant dans leur rapport de septembre 2010 que cette conclusion avait été atteinte par une mission d’enquête nommée par le Conseil des Droits de l’homme pour examiner l’incident de la flottille du 31 mai 2010. « Il est inacceptable que les droits humains de la population de Gaza ne soient pas respectés en raison des positions adoptées par des dirigeants politiques » ont affirmé les experts. « Ce n’est pas le Gouvernement du Hamas qui est sanctionné, mais ce sont les Gazaouis ».

FIN

(*) Le Rapporteur Spécial sur le droit à l’alimentation, Olivier De Schutter ; le Rapporteur Spécial sur le droit de toute personne au meilleur état de santé physique et mentale, Arnand Grover ; le Rapporteur Spécial sur la situation des droits humains pour l’accès à l’eau potable et à l’assainissement, Catarina de Albuquerque ; le Rapporteur Spécial sur l’extrême pauvreté et les droits humains, María Magdalena Sepúlveda Carmona ; le Rapporteur Spécial sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967, Richard Falk.

Procédures spéciales du Conseil des Droits de l’homme

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